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Quand l’institution médico-sociale s’inscrit dans les murs de l’Éducation nationale. Enquête au sein d’un IME "hors les murs"
Archive ouverte : Rapports
Edité par HAL CCSD
Le mot d’ordre de l’inclusion s’impose aujourd’hui dans un nombre croissant de pays. En France, dans le champ de l’éducation, l’inclusion s’est érigée comme le nouveau paradigme pour penser la scolarisation des élèves en situation de handicap. Dans ce contexte, des dispositifs dits inclusifs voient le jour, certains au sein de l’éducation nationale, d’autres impliquant une articulation étroite avec des institutions médico-sociales. Ce rapport s’appuie sur une enquête de terrain réalisée en 2018 au sein d’un dispositif appelé «IME hors les murs», qui articule les accompagnements d’une unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS) et d’un institut médico-éducatif (IME) à l’intérieur un collège ordinaire. La monographie proposée ici aborde successivement trois ensembles de questionnements. La première partie du rapport s’intéresse à la manière dont le dispositif IME hors les murs travaille les frontières entre les mondes de l’éducation nationale et du médico-social. Elle montre dans un premier temps que le travail intersectoriel qui est au principe du dispositif se déploie dans un contexte de tensions entre les deux secteurs vis-à-vis de l’inclusion scolaire des enfants handicapés. Ces tensions sont particulièrement visibles dans le déploiement initial du dispositif, perçu à l’époque par le principal du collège et nombre d’enseignants non seulement comme une injonction, mais également comme une intrusion du secteur médico-social dans celui de l’éducation nationale. Ces difficultés renvoient à des tensions plus structurelles entre les deux secteurs autour de la mission d’inclusion scolaire à l’échelle départementale, qui ont des conséquences concrètes sur l’IME hors les murs. La pérennité, l’identité juridique et les finalités du dispositif sont en effet régulièrement remises en question. Dans un second temps, cette partie décrit le travail d’articulation opéré par des acteurs du dispositif à l’intérieur de l’établissement, pour surmonter les multiples tensions et dysfonctionnements provenant des écarts entre les fonctionnements des deux mondes. En travaillant sur une série de questions pratiques, en construisant des relations interpersonnelles, en déployant des outils, les professionnels associés au dispositif tâchent de faire accepter l’IME hors les murs et parviennent, dans une certaine mesure, à faire reconnaître son utilité à l’intérieur du collège. L’articulation entre le dispositif et l’établissement dans son ensemble n’en reste pas moins un acquis fragile, tenant à de multiples bricolages en situation. Par tout un travail de médiation, l’équipe de l’IME parvient, au jour le jour et « par le bas », à construire des relations entre le dispositif, les acteurs de la vie scolaire et les enseignants de l’établissement.La deuxième partie du rapport est centrée sur le travail effectué par les professionnels de l’équipe de l’IME hors les murs pour soutenir une inclusion aux dimensions multiples (scolaire, professionnelle, relationnelle et sociale). Elle décrit en premier lieu la configuration particulière du travail d’équipe au sein du dispositif, qui s’appuie sur la pluridisciplinarité des membres qui la composent et sur une dynamique coopérative. Cette partie traite en second lieu de la manière dont l’inclusion scolaire et l’accompagnement vers le milieu professionnel sont mis en œuvre. La dynamique coopérative qui traverse l’équipe de l’IME hors les murs,de même que les aides matérielles et humaines (éducative, pédagogique et thérapeutique), visent à soutenir les apprentissages scolaires lors des temps de regroupement en ULIS et lors des temps en inclusion. L’étayage des professionnels vise également à préparer l’après IME hors les murs. Dans un troisième temps, cette partie met en relief le travail d’accompagnement mis en place pour soutenir l’acquisition de compétences relationnelles et l’accompagnement vers la vie sociale en dehors collège. Le travail des professionnels consiste à ajuster le milieu scolaire pour le rendre plus inclusif, mais aussi à travailler sur et avec les élèves pour leur apprendre comment se rapprocher de la posture et de l’attitude d’un « collégien comme tout le monde ». Le travail des professionnels vise également à «faire de l’autonomie» hors du collège (maîtrise des services et des pratiques de la vie courante).La troisième partie du rapport s’intéresse à l’inclusion scolaire telle qu’elle est vécue par les jeunes. Dans un premier temps, elle montre qu’ils sont ambivalents : tout en leur permettant de s’affirmer en tant que collégiens, la démarche inclusive vient questionner leur identité. Symboliquement, l’inclusion au collège valide un statut de«normalité» des élèves et agit comme une preuve de leurs compétences, mais au quotidien, elle peut exacerber le sentiment de différence. L’inclusion, en classe comme dans les temps informels, même si elle est souhaitée, peut alors être source d’inconfort et d’incompréhension. Dans un deuxième temps, cette partie analyse les relations entre élèves au sein de l’ULIS. Le sentiment d’appartenance au « groupe ULIS » les sécurise au sein du collège mais contribue aussi à les différencier symboliquement. L’ULIS agit donc à la fois comme un cocon protecteur permettant aux élèves de se ressourcer et comme une étiquette pouvant produire de la stigmatisation. Enfin, cette partie évoque les limites et les effets paradoxaux de l’IME hors les murs en tant que dispositif inclusif. Dans l’objectif de rendre l’inclusion possible et effective, ce dispositif peut générer des contraintes supplémentaires pour les jeunes, notamment en termes d’apprentissage à l’autonomie et de participation à la vie du collège. L’accompagnement resserré autour des jeunes peut aussi réduire leur espace de liberté. Le dispositif s’adresse donc à un profil particulier d’élèves qui doivent avoir des capacités d’apprentissage accompagnées d’un désir d’apprendre et d’une envie d’aller vers les autres. L’absence de dispositif équivalent au lycée exacerbe aussi la question du devenir de ces jeunes,en milieu ordinaire ou institutionnel.La conclusion retrace les principaux résultats de la recherche, puis soulève la question plus transversale des relations entre les mouvements d’inclusion et de désinstitutionnalisation qui sont en train de s’inscrire à l’agenda des politiques de l’autonomie.Au-delà d’un mot d’ordre général, la dynamique inclusive gagne finalement à être étudiée comme un processus évolutif non dénué de tensions et d’ambivalences, et dont les effets ne sont jamais donnés d’avance.