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Instituer l'humain, une affaire de droit ?
Archive ouverte : Article de revue
Edité par HAL CCSD ; Editions de Corlevour
International audience. Depuis quelques années des juristes et des philosophes s'affrontent autour de ce qu'il est convenu d'appeler la « fonction anthropologique » du droit. Il s'agit de déterminer si la loi a pour fonction d'instituer l'humain, notamment en posant les limites qui permettent au sujet de se construire. Débattre ainsi peut paraître abscons, et pourtant chaque citoyen aurait tout intérêt à pouvoir y apporter une réponse, car la loi est sans cesse convoquée pour dire l'humain : qu'est-ce que l'identité sexuelle ? Qu'est-ce que la parenté, la filiation ? À combien de semaines d'existence l'être humain apparaît-il ? Peut-on tenir sa naissance pour un préjudice ? L'impact considérable des sciences biologiques et médicales, aux différentes étapes de la vie, attend une réponse de nos sociétés, et celles-ci s'en remettent souvent aux juges ou aux législateurs pour la fournir. La re-découverte de l'importance de l'interdit depuis quelques années constitue un réel appel d'air pour une telle conception de la loi. Mais il n'est pas illégitime de s'en inquiéter : si la loi a un véritable statut anthropologique, si elle doit instituer l'homme, il sera difficile de lui demander des comptes. Un observateur un peu attentif de récentes polémiques en France-comme celle autour de l'arrêt Perruche et celle sur le « mariage homosexuel »-aura relevé la présence récurrente de deux professeurs de droit, Pierre Legendre et Yan Thomas. Ces deux penseurs ne se pressent guère devant les médias, leur influence n'est en pas moins grande, car leurs thèses apparaissent toujours, explicitement ou en filigrane, pour étayer les argumentaires, Pierre Legendre du côté des défenseurs du mariage « traditionnel » ou des opposants à l'arrêt Perruche, Yan Thomas de l'autre côté. Ce sont leurs deux conceptions que nous voulons ici confronter et discuter.